jeudi 10 octobre 2013

Episode 42 : Un paysage, une émotion

 Horizon Zouk puis Beyrouth (copyright – Z. Haddad).

Plus d’une année après, je retrouve Jounié, ses vieilles maisons libanaises en cours de restauration et de réaffectation, ses baklavas et autres douceurs orientales, le parfum du café fraichement moulu qui s’envole de la petite échoppe faisant face au stade municipal et guide le badaud à travers un rectangle d’artères commerçantes. Dans ce quartier, bars, restaurants et boutiques se succèdent, à un incroyable rythme, dans un incroyable roulement, démontrant l’inébranlable esprit d’entreprise qui anime les Libanais.
Les rues me paraissent plus propres qu’à l’accoutumée, la circulation mieux domptée, l’urbanisme plus réfléchi. Cette impression, je l’ai en fait à chaque visite, tellement le chantier reste vaste et entier. Peut-être est-elle, cette fois, amplifiée par les conséquences des derniers soubresauts de la situation régionale, à commencer par un couvre-feu imposé aux migrants dans plusieurs municipalités et un certain manque d’envie. Comme d’habitude, certains portent leurs reproches sur une évolution que personne ne semble jamais maitriser, alors que les autres restent persuadés que cette nouvelle période de transition et d’attente, la der des der, permettra de stabiliser la région tout entière.
Que dire ? Faut-il choisir ou se dire que le Liban est ainsi fait, un incompréhensible cocktail de volontarisme interne et de fatalisme extérieur ?
En regardant la mer apaisée après la houle de la veille, je me rappelle les mots de Jean-Paul deux qui qualifiait le Liban de « message », une clef, peut-être, pour l’avenir. En me perdant dans l’horizon dominé par une fine couche jaunâtre de pollution, j’aperçois les tours fumantes de la centrale de Zouk, quelques cargos venus mouiller dans le port de Beyrouth pour décharger leurs marchandises, et la silhouette de la capitale ceinte de ses banlieues qui mordille au loin le ciel bleu.
À ma gauche, j’entrevois les montagnes, toujours plus grignotées par l’asphalte et le béton. Et, tout en haut, la pointe de la cathédrale de Harissa et la forêt de pins ancestraux qui la garde. Enfin, derrière moi, c’est le casino du Liban, antre des joyeux spectacles d’antan, puis Tabarja et le Nord.
Bain de lumières
Des milliers de lumières dont j'avais quelque peu oublié 
l'existence: encore plus belles lorsqu'on est myope 
(copyright – Z. Haddad).
C’est alors que je repense à une phrase attrapée au vol d’une conversation à bâtons rompus. Attribuée à un diplomate français, elle a déjà bien circulé de bouches à oreilles et je l’ai, pour ma part, accueillie avec plaisir et espoir. Elle ne veut pas tout dire et n’explique pas tout. Mais elle raconte déjà cette fascination qui accompagne le Liban à travers les siècles : « Le Liban n’est pas un pays, c’est un paysage. Il n’est pas une nation, mais une émotion. »
Alors, devant cette Méditerranée à l’azur rasséréné, transparent et scintillant au soleil d’octobre de ces mille et une lumières dont j’avais bizarrement oublié jusqu’à l’existence, j’admire ce morceau de terre, riche de beautés et de cultures, et je ressens un magnifique moment de calme et de joie.
Méditerranée d'octobre: le spectacle qui m'a accueilli après plus d'un an d'absence (copyright – Z. Haddad).

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