vendredi 7 janvier 2011

Episode 4 : Tric trac !

Chef-d'oeuvre de marqueterie (copyright - Maya Alameddine).

Simple onomatopée ou enfant d’une vieille histoire étymologique, le « tric trac » représente, pour un moi, tout un symbole. « Tris Trakus », trois fois difficile à jouer et comprendre, cette petite table en bois, devenue backgammon, me renvoie irrémédiablement devant les grands-pères du quartier qui jouaient à ce jeu sur le trottoir, dans une cour ou devant leur maison, en criant, s’invectivant, rigolant. Claquant les pions avec toujours un coin malicieux à leurs lèvres, histoire d’entretenir le spectacle pour les voisins attroupés autour d’eux.
« Tric trac ! » Expédiés sur les parois verticales du jeu, les dés claquent et ouvrent le tête-à-tête. Qui sera le plus téméraire, le plus rusé, le plus roublard ? Chanceux ? Installée sur un tabouret, la « tawlé » (table en français), souvent transformée en un chef-d’œuvre de marqueterie, devenait la scène où les acteurs se disputaient les victoires en cinq manches.
Quel plaisir d’imaginer ces Cyrano du damier se lancer le gant avec panache dans les cafés qui leur étaient réservés jusqu’à peu encore, à l’instar du « Café des Glaces » installé depuis près d’un siècle à la rue Gouraud, dans le centre historique de Beyrouth. Un endroit où j’aime prendre le thé, déguster quelques pistaches et autres graines de cucurbitacées, sans oublier de jouer. Et quel plaisir d’avoir les dés en main et de se lancer dans le défi à son tour, tout en refaisant le monde – voire soi-même – au rythme des rondelles que l’on déplace sur le plateau !
De vrais moments de bonheur et de sociabilité que je savoure, avec quelques amis, à l’instar des parties de « tarnib », véritables joutes de cartes également très populaires. Seul point d’accroche d’ailleurs avec l’Helvétie : le « jass » – prononcez « yass » – devenu très rare autour des tablées, si ce n’est à la montagne après une traditionnelle raclette ou fondue au fromage !
Au moment de mettre un point final à ce message, j’apprends que le « Café des Glaces » fermera définitivement ses portes dans quelques jours. Stupeur. Et tremblement dans l’âme de Beyrouth…


Véritable spectacle de rue (copyright - Maya Alameddine).

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