dimanche 13 mars 2011

Episode 17 : Le jeu des 7 différences


Eh oui, cela ne pouvait pas rater ! Et puis, il y a très longtemps que je n’y ai plus joué : le jeu des 7 différences. Un réel plaisir, même si je vais devoir me limiter à 7 en essayant de garder un minimum d’équilibre d’un côté à l’autre de la passerelle, de Beyrouth à Genève.
Sabbatique
Tout d’abord, et puisque c’est le point de départ de ce blog, le congé sabbatique. Hormis une mine inquiète, j’ai reçu à Genève un vibrant nonante-neuf – comprenez aussi quatre-vingt-dix-neuf – pourcents de réactions positives. Cette coupure était devenue indispensable pour échapper au train-train et prendre du recul. Si une partie de mon entourage libanais l’a bien compris, d’autres sont restés interloqués et probablement encore figés dans la même position. Un poil bouche-bée : bonjour les courants d’air ! « Comment ça, un congé sabbatique ? Mais, plus sérieusement, tu fais quoi dans la vie ? … Tu fais quelque chose, n’est-ce pas ? » En clair, il est en général assez mal vu ici – ou en tout cas incompréhensible – qu’un homme soit sans activité professionnelle. En plus volontairement ! Imagine ! Même si cela réveille quelques nostalgiques phantasmes chez quelques-uns… Et, côté séduction, c’est un assez mauvais plan… quoique… En tout cas, ça fait vraiment du bien par là où ça passe ! À suivre…
Carrosse
Le truc qui surprend encore plus : « Mais, si tu n’as pas de voiture – comprenez BM ou Mercedes – comment tu fais ? » Ben, je fais bien. Eh bien, oui ! L’avantage du taxi, c’est qu’il te prend là où tu te trouves et te déposes là où tu veux et que, en général, il connaît toutes les ruelles et autres raccourcis vers la liberté routière. En tout cas, il en connaît plus que l’habitué des grands axes « toutdroitistes ». Le taxi-service http://atzahi.blogspot.com/2011/01/episode-3-suisse-de-lorient-et-liban-de.html, lui, est encore plus drôle puisque tu côtoies la cigarette de la passagère assise à l’avant, la carrure débordante de ton voisin, d’un côté, la drague et la tchatte à deux balles de celui qui te dévisages, de l’autre côté. Et, avec un peu de chance, la sagesse du chauffeur qui a tout vu, tout entendu et à qui on ne la fait pas. Beaucoup plus marrant que de traîner sa voiture toute la journée, d’un bouchon à l’autre, d’un parking à l’autre, d’une station service à l’autre. Cerise sur le gâteau, tu n’arrives pas à destination complètement stressé après avoir flirté avec les allumés du volant et tous les imprévus qui animent les routes libanaises – ah, veaux, vaches, cochons ! Donc, voilà, je fais relativement bien, même si les voitures sur les trottoirs, les chauffards, les coulées de pluie, les fortes chaleurs ne sont pas toujours des plus encourageants.
Ici, c’est donc la voiture coûte que coûte. À tout prix ! D’ailleurs, l’Etat subventionne partiellement l’essence, à défaut d’offrir des transports publics dignes de ce nom. Nous sommes donc très loin de la politique genevoise qui te fait passer pour un criminel si tu as encore ton carrosse : « Et l’environnement, hein ? Et l’environnement, tu y penses ? » Ah, au pays de la culpabilisation ! En plus, le magnifique réseau de transports publics genevois n’a pas tout résolu et avance fréquemment à pas de tortue…
Recyclage
À propos de recyclage : papier, verre blanc, verre vert, alu, PET, tous avaient leur logique chez moi à Genève. Conscienceusement, suivant les hautes instructions municipales, je préparais mes sacs triés sur le volet pour les répartir dans les différents centres de tri, plus ou moins proches de mon appartement. Un vrai petit Poucet !
À Beyrouth, petite crise d’angoisse hier… et de conscience ! Deux mois de bouteilles en PET accumulées, que je ne peux me résoudre à passer à la poubelle qui, ici, avale tout. Absolument tout. Nul en récupération et recyclage d’objet en tout genre (lustres, meubles, etc.), je cherche l’option idéale. Toute proposition est la bienvenue ! Cela dit, je viens juste de localiser une benne de récupération à un ou deux kilomètres de la maison. À explorer…
Accueil...
Là, il n’y a vraiment pas photo : une majorité de restaurateurs Genevois te glacerait un bac de glace tombé du congélateur. Tout juste s’ils ne t’envoient pas l’assiette du jour à la figure ou te défient de trouver mieux ailleurs : « De toute façon, mon établissement tourne très bien sans toi. » Oui, j’ai entendu ce type de remarque, alors que je me plaignais de deux cigares pourtant bannis de « l’établissement » que je n’ai plus visité depuis. Le comble, c’est que, pour une raison inconnue, tu te sens obligé de laisser un pourboire !
Une mauvaise habitude en Suisse qui est une règle absolue au Liban : dix pour cents minimum. Je ne te dis pas l’œil noir qui m’a dévisagé le jour où j’ai, par mégarde, omis ce petit détail. Pas si petit puisque ce pourcentage est absolument nécessaire… Mais, en termes d’accueil, c’est la cerise : tout est dans la formule, la géométrie du sourire, la prestance du geste. « Ahlan wa sahlan ; Welcome ; Bienvenue ! », t’offre le polyglotte de service. « Installes-toi où tu veux, même à cette table de douze personnes », te propose tel autre – ce qui est absolument inimaginable en « Genèvie. Perso : j’adore et me sens presque partout à la maison !
… et fumée
Bon, si côtés tarifs, on est quasi dans les mêmes eaux, le choc pour moi est de me retrouver en zone fumeurs. Et pas qu’un peu. Ici, quasi tout le monde fume. Du léger, du lourd, du très lourd, tout y passe : cigarettes, cigares, pipes à eau. C’est l’écran de fumée. Total. À découper aux ciseaux ! D’autant plus dur à avaler que Genève, dans un moment de grande sagesse, a choisi d’écarter la nicotine de ses espaces publics. Il paraît qu’une loi est également dans les tiroirs par ici. À suivre donc…
Puce
La carte à puce : un choc ! La Suisse et le Liban sont réputés pour leur efficacité bancaire. Peut-être trop secrète lorsque l’on voit la difficulté à « sous tirer » d’un bancomat libanais – ATM dans le langage courant – avec une carte helvétique. En fait, cela semble juste impossible. J’entends que c’est à cause de la puce intégrée aux cartes. Du coup, les grands noms du crédit international se cassent les puces sur ces machines sourdes aux gémissements des clients… voire à leurs coups. Résultat : il te faut ouvrir un compte local, après avoir organisé un transfert bancaire qui, lui, semble beaucoup plus facile, le Liban bénéficiant de conditions similaires à celles des pays de l’Union européenne ou encore de l’Association européenne de libre échange. Paradoxal ?
Neinsager
Le must, à n’en pas douter, est le « diseur de oui » libanais et le « diseur de non » (Neinsager – lire « Ninezager » en anglais) suisse. C’est absolument phénoménal !
Autant un helvète te dira quasi toujours ses limites : « Non, Monsieur, vraiment, ceci n’est pas possible, dans les temps et les moyens impartis. » Punkt, Schluss (Point final) ! Explication de texte : entre mythe et réalité, le Neinsager serait cet être doué d’un grand esprit de contradiction et refusant tous les projets qui lui sont soumis, même les plus consensuels – sacro-saint mot pour les Confédérés helvétiques. S’il peut être utilisé à niveau microcosmique, ce concept est souvent aussi révélateur des différences de mentalité et de logiques entre Suisses romands (francophones) et allemands.
Autant un Libanais – voire un Oriental – se refusera à te dire non. À la manière nippone, c’est probablement une question d’honneur. Surtout ne pas perdre la face. Du coup, on te promet monts et merveilles et tu ne récoltes que pouic ! Impressionnant : tu regardes ton vis-à-vis t’affirmer : « Oui, tout sera prêt mercredi matin, sans faute. » Trois jours plus tard, tu te demandes s’il a précisé la semaine, le mois… l’année ! Non, je n’exagère pas. À peine. Cette semaine, mon électricien est arrivé le jour convenu et à l’heure dite mais avec, pile poil, une semaine de retard. Vendredi dernier, d’humeur romantique et un brin taquin, je demande à un DJ hip hop et anglophone de passer « Ne me quitte pas ». Il m’a pris très au sérieux, a fait deux fois l’aller-retour entre ma table et sa platine, et est revenu ne dire, sur un ton grave : « Vraiment désolé, je ne retrouve pas ce morceau, mais la prochaine fois sans problème. » A-t-il seulement compris de quoi je parlais ? En tout cas, je lui suis très reconnaissant d’avoir essayé et de ne pas avoir simplement disparu…

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