Dans mon dernier blog,
j'évoquais un événement « fascinant », auquel j’allais assister. Eh
bien, je n’ai pas été déçu ! Jeudi 29 novembre, dans une ambiance pour le moins frisquette, qui m'a rappelé ma fin d'année 2010, j’ai en effet eu la chance de participer au vernissage
de l’exposition « Fascination du Liban », qui dévoilera ses
trésors jusqu’à fin mars, au Musée Rath.
Tout le gotha était réuni autour de
quelque 300 pièces uniques présentées dans une ambiance des plus zen. Et, pour
moi, c’était l’occasion de voyager à travers les millénaires, et de me projeter
dans les croyances, les perceptions et les habitudes humaines d’un morceau de
terre que j’adore. Le tout grâce à Marc-André, un guide passionnant, qui m'a inspiré l’article reproduis ci-dessous et paru
aujourd’hui dans L’Orient-Le Jour avec une brève interview de Sami Kanaan, élu
genevois chargé de la Culture.
Une fascination libanaise pour l’art, l’histoire et la découverte de soi
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Maquette
du temple de Deir al
Qala’a :
un
concentré de technicité et de spiritualité (copyright – Z. Haddad). |
« Fascination du Liban » ?
Une exposition unique qui jette de nouvelles passerelles entre deux Suisses.
Entre deux continents qui se scrutent et se complètent. Avec délectation
lorsqu’ils s’écoutent et se trouvent. Une exposition qui s’arrête aussi sur les
relations que nous entretenons avec l’au-delà depuis soixante siècles et que
nous fait découvrir Marc-André Haldimann, l’un des concepteurs chevronnés de
l’exposition.
Le Musée Rath de Genève a vécu l’un
de ces grands moments pour lesquels il a été érigé en 1826. Sanctifier les
arts. Installé en plein cœur de la Cité de Calvin, ce « temple des muses »
abrite aujourd’hui la « Fascination du Liban » pour quatre mois et de
précieuses leçons d’histoire, qui s’apprêtent à se murmurer aux oreilles des
Genevois en dévoilant des pans entiers d’une planète vivante et bariolée,
traversant les millénaires et le Liban. Sous toutes ses coutures, avec tous ses
paradoxes, message d’un avenir mâtiné, le Liban n’en finit plus de fasciner.
Semble-t-il.
Mais, au-delà de la magie, il y a le
rêve. Un voyage poétique et philosophique suggéré par Marc-André Haldimann,
dont l’imposante carrure nous accueille avec un « Ahlan habibi »
susurré avec délicatesse et délectation. Posté devant les imposantes colonnes
corinthiennes de la vénérable bâtisse, l’archéologue déploie son double mètre,
ponctué d’une tignasse rebelle, avant d’inviter au vernissage des 350 objets
archéologiques et œuvres d’art, encore jamais exposés en Europe, qui ont fait
le déplacement du Liban (voir notre édition du 1er novembre). Sur
deux étages, repeints aux couleurs chaudes de la Méditerranée et de la divine
pourpre du murex, une histoire exceptionnelle se raconte et se vit, animée par
la ferveur du scientifique, qui traverse allègrement soixante siècles
d’histoire de religions, d’art et d’archéologie, comme s’il y avait vécu.
Devant ses yeux, il détaille les
rites funéraires de l’âge du bronze, l’évolution des croyances sous l’Empire
romain ou l’avènement du christianisme et de l’islam. Le fil rouge, qu’il
déroule avec toute sa bonhomie, dévoile des mondes chatoyants et les multiples
facettes de la relation développée au cours des siècles entre les Libanais, le
Divin et l’au-delà. Les collections libanaises présentées ajoutent à cette
fascination, tout en montrant leur richesse: sarcophages monumentaux, mosaïques
byzantines, stèles, statues votives, représentations divines, icônes,
manuscrits melkites révèlent ainsi les civilisations, les rites et les croyances
qui se sont succédé sur les rivages libanais.
Une nouvelle vie
Scrutés dans leurs détails, valorisés par une somptueuse muséographie et mis en scène avec Marielle Martiniani-Reber et Anne-Marie Maïla-Afeiche, tous ces fragments reflètent les incontournables influences égyptienne, chypriote, romaine, grecque, ottomane. Et, à lui seul, Marc-André Haldimann incarne ces complexités. À travers tous ces objets exposés, il insuffle un incroyable sentiment d’appartenance à une terre d’accueil, à l’humanité tout entière. Parce que cette exposition est vivante et qu’elle nous dit ce que nous sommes. Elle parle de ceux qui offraient une nouvelle vie à leurs morts en les accompagnant d’objets et d’offrandes de toutes sortes, pour les tenir à l’écart. Elle insinue comment d’autres ont commencé à s’interroger et comment ils ont, un jour, envisagé un au-delà, une vie après la vie. Elle interpelle nos croyances et pousse à la réflexion quant aux destinées que nous nous promettons et à ce qu’il en adviendra. Un jour.
Scrutés dans leurs détails, valorisés par une somptueuse muséographie et mis en scène avec Marielle Martiniani-Reber et Anne-Marie Maïla-Afeiche, tous ces fragments reflètent les incontournables influences égyptienne, chypriote, romaine, grecque, ottomane. Et, à lui seul, Marc-André Haldimann incarne ces complexités. À travers tous ces objets exposés, il insuffle un incroyable sentiment d’appartenance à une terre d’accueil, à l’humanité tout entière. Parce que cette exposition est vivante et qu’elle nous dit ce que nous sommes. Elle parle de ceux qui offraient une nouvelle vie à leurs morts en les accompagnant d’objets et d’offrandes de toutes sortes, pour les tenir à l’écart. Elle insinue comment d’autres ont commencé à s’interroger et comment ils ont, un jour, envisagé un au-delà, une vie après la vie. Elle interpelle nos croyances et pousse à la réflexion quant aux destinées que nous nous promettons et à ce qu’il en adviendra. Un jour.
Les yeux pétillants de leur passion
accomplie, remplis de douceur et de satisfaction, Marc-André Haldimann
ressemble à un artiste passionné. Il parle d’ailleurs de « révolte
culturelle comme passage vers l’action culturelle », préférant ce qui
rapproche et fait cohabiter les croyances. Depuis plusieurs années, avec ses
deux consœurs, il travaille sur cette collaboration exceptionnelle lancée, en
son temps, par Tarek Mitri, ancien ministre de la Culture, et Patrice Mugny,
ancien vice-maire chargé de la culture genevoise, à qui Sami Kanaan a succédé
en juin 2011 (voir encadré). Rappelons encore que l’association « Fascination
du Liban », emmenée par Malek el-Khouri, a servi de lien entre ces deux
rives de la Méditerranée et permis de compléter l’effort financier en
mobilisant de nombreux mécènes privés, suisses et libanais, du plus modeste au
plus important donateur, pour concrétiser cette coopération unique.
Parmi toutes les magnifiques pièces
dévoilées à Genève, Marc-André Haldimann laisse ses pensées vagabonder dans la
maquette du grand temple de Deir al-Qalaa. Datant du deuxième siècle, le petit
bloc de calcaire tient dans la paume d’une main. Érodé, fatigué, il recèle de
précieuses spécifications techniques. Mais il projette surtout, devant les yeux
du visiteur, la foule des fidèles, plébéiens et patriciens, venus se recueillir
et tenter de se connecter au Divin, à un tout indissociable et pourtant si
insaisissable. Le temps d’un captivant questionnement de soi. Le temps, pour
nous, d’une exposition... d’une fascination transcendée en « fierté du
Liban ».
![]() |
Un sarcophage représentant la
légende d’Oreste (Tyr), baigné de
la lumière d’une remarquable
scénographie (copyright
– Z. Haddad).
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Le murex, des dégradés de pourpre
et
un hommage à Joseph Doumet (copyright
– Z. Haddad).
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Trois questions à Sami Kanaan, Vice-maire de Genève, chargé
de la culture
Que représente cette exposition pour Genève ?
Cette exposition illustre bien la Genève
multiculturelle, ouverte, internationale qui rayonne et collabore autour de
projets culturels, humanitaires, économiques, avec le monde entier. C'est
assurément une chance pour Genève que de pouvoir accueillir ces collections qui
témoignent de la richesse patrimoniale, culturelle et historique du Liban.
C'est aussi grâce à une collaboration exemplaire du Musée national de Beyrouth
et du Musée d'Art et d'Histoire de Genève que celle-ci a été rendue possible.
Et pour vous-même qui êtes d’origine libanaise ?
C'est d'abord une joie toute simple pour moi
que de pouvoir redécouvrir au travers de son patrimoine, l'histoire de mon pays
d'origine. C'est aussi une fierté que de pouvoir accueillir cette exposition
dans ma ville d'adoption, au moment où j'y dirige les affaires culturelles et
sportives.
Avec divers autres projets, la coopération genevoise est
très présente au Liban, cela va-t-il continuer ?
Je
l'espère. Le Liban et la Suisse ont beaucoup de points communs, à commencer par
la nécessaire diversité qui les composent. Je suis attaché à la coopération, au
dialogue, à l'échange, qui sont pour moi les seules manières d'avancer par delà
nos différences, d'abattre les frontières qui nous empêchent de progresser et
d'aller vers l'autre.
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Le Musée Rath paré aux couleurs de
la
« Fascination du Liban » (copyright – Z. Haddad). |
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