Episode 33 : Toute petite, la Bleue rouge-blanche-verte !

Bon d’accord, s’exclamer devant la petite taille de la belle bleue, tout le monde l’a fait, une fois ou l’autre, en croisant de vieilles connaissances dans l’improbable musée de la cafetière, des amis partis s’installer dans un autre pays tout juste cartographié, un cousin éloigné ayant fait fortune dans les rideaux de douches. Cela arrive tous les jours : « Toi, ici ?!! Le monde est vraiment petit !! »

Et, cette dernière semaine écoulée, la planète Suisse-Liban m’a, elle, parue bien minuscule. D’abord, je tombe sur des amis libanais de Genève rentrés s’installer sur les bords de la Méditerranée. Nous prenons le temps d’un verre sur la terrasse à la marocaine du Momo’s in the Souk et, surplombant l’entrée du nouveau vieux souk, profitons du calme et de la fraîcheur du lieu, sous les étoiles. La soirée est naissante et Momo n’a pas encore opéré sa mue en se parant de ses strass noctambules et de ses mélopées disco-pop-hiphop-rock. Nous en profitons pour redécouvrir nos mondes et disserter sur les choix qui nous animent d’une Suisse à l’autre. Entre Occident et Orient. L’originale est très agréable à vivre, mais peut-être trop calme et un peu coincée dans ses habitudes. La seconde jouit et joue de sa spontanéité, de sa chaleur de vivre et de sa culture débridée, mais manque d’ordre et de respect.

Rock'n'roll Abboudy qui m'avait fait redécouvrir le "Smoke on the Water"
au bord du Léman genevois, en décembre 2010 (copyright - Z. Haddad).

Juste après, j’enchaîne et me rends au Nova Club, avec quelques amis, eux aussi débarqués de Genève. Ils ont réussi à dénicher, dans ce pub dont je n’ai jamais entendu parler, un concert de Abboudi Al Saadi. Le musicien les avait régalés de sa guitare basse pendant le concert du quatuor Rouhana que j’avais organisé en décembre dernier. Elle est pas belle la vie ? Il est pas petit notre monde ? Et, écouter Abboudi sortir des rythmes orientaux pour décoller, avec ses acolytes du jour, vers un rock brut de décoffrage, c’est juste un formidable régal ! J’en ai d’ailleurs doublement vibré, puisque j’étais assis juste à côté des enceintes. Comme à chaque fois que je sors, à croire qu’elles me suivent.

À table !

Le lendemain, les oreilles bourdonnantes, mes retrouvailles avec ce collègue ressurgi des années « nonante » parlent plus volontiers d’environnement et de durabilité. Bien sûr, nous nous retrouvons devant les projets écologistes d’un tout nouveau parti vert, mais c’est surtout la suite de la journée qui nous rassemble : la bonne table. Nous poursuivons la discussion au restaurant Tawla – la table en français. Caché dans le quartier de Mar Mikhaël, Tawla ne paie pas de mine. Le concept même lui donne cet air discret de table familiale autour de laquelle habitués, fins connaisseurs et autres amateurs de bonne chair se rassemblent. À l’intérieur, une conviviale table en bois traverse toute la longueur du local, des chaises, tout droit ressorties des greniers de nos grands-mères, invitent les convives à partager leur repas dans une même joie. Planches en bois pour couvrir les murs ou le bar, vieux cageots de récup’, fleurs de saison, bouteilles aux mille et une formes et senteurs, cadres épars constituent l’essentiel d’une déco réalisée avec finesse et goût. Comme à la maison, quoi ! Et, comme à la maison, les plats sont concoctés par d’adorables cuisinières, sélectionnées selon des critères bien précis. Chacune à son tour, du lundi au vendredi, elles viennent présenter les mets de leur région, avant de ponctuer la semaine derrière les stands de Souk el Tayeb, le fameux « marché du bon ». En cette journée de rencontres donc, je découvre l’approche et l’assaisonnement arménien. Une kyrielle de régals servie dans de volumineuses assiettes. De quoi rassasier le gourmand que je suis, avant d’enchaîner avec les bombes aussi sucrées que calorifiques exposées à l’heure des desserts. Le plaisir est idem à la table d’à côté, où des amis venus en vacances de Genève me surprennent et me font penser que le monde est décidément bien petit.

Tawla, comme à la maison! (copyright - Z. Haddad).

1^er août le 31 juillet

Last but not least : dimanche 31 juillet, nous célébrons le 1^er août, fête nationale suisse… au Mövenpick, groupe suisse et non saoudien pour ceux qui en douteraient encore. Organisée par les Amis de la Suisse au Liban, la soirée réunit environ deux cents personnes, aux couleurs blanche-rouge-verte, et fait la part belle aux produits helvétiques sur un somptueux buffet : émincé à la zurichoise, salade de cervelas, raclette, fondue, schubling, meringues, ils sont tous là ! La totale arrosée des mélodies de Lydia Canaan, star pop des années nonante et, apprenons-nous, zurichoise de cœur. En ouverture de la soirée, un enregistrement de la Présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, salue la « cinquième Suisse », ces Suisses de l’étranger, véritables ambassadeurs des valeurs helvétiques et réceptacles des traditions d’un monde riche de sa diversité.

Et, devine quoi ! Assise en face de moi, une amie de Genève, que je n’avais pas revue depuis plus de six ans, confirme la tendance de la semaine : petite la jolie bleue… et tellement adorable dans ses hasards quand elle veut !