samedi 30 juillet 2011

Episode 32 : Leçons d’histoires à Anjar


Vagues de la Békaa (copyright - Z. Haddad).

À Anjar, changement de décor. Nous sommes à l’Est de la plaine de la Békaa, aux pieds de l’Anti Liban, la chaîne montagneuse qui fait office de frontière naturelle avec la Syrie. En cette journée dominicale, le plateau est sec et me fait penser à une poêle à frire : 42 degrés et quelques poussières de mercure au compteur, une brise imperceptible, un ciel immaculé dans son azur. Je marche au ralenti, mais préfère largement cette ambiance aux 35 degrés chargés d’humidité, qui trempent la côte méditerranéenne. En plus, vraiment, j’adore cette région ses richesses et ses couleurs.
À sa belle époque, Anjar est à la croisée des chemins, un carrefour commercial à l'intérieur des terres, entre Damas et Beyrouth, puis la mer. Entre le plateau de la Békaa et le Sud du Liban, puis la mer. Aujourd’hui, elle est une paisible ville de quelques milliers d’habitants. En ce week-end, cependant, la population a dû doubler, voire tripler. Partout, des touristes, d’ici ou d’ailleurs, des quatre coins du Liban ou de la petite bleue, cherchent leur chemin, leur inspiration, leur souffle, ou encore leur table et les agapes concoctées pour eux. Dans un brouhaha généralisé, presque panique, la foule chamarrée converge vers le restaurant circulaire où nous avons heureusement pris un peu d’avance. Imperturbable, quant à elle, la cuisine débite déjà mezzeh froids ou chauds, de très bonne tenue, à la vitesse de l’éclair. Sans commande aucune, les plats courent dans tous les sens et atterrissent, à bon port, sur les longues tables en bois. D’autres se vident, en cadence, dans les poubelles et les éviers. Je suis littéralement impressionné par cet extraordinaire travail à la chaîne et le chaos organisé qu’il déchaîne.  
Pendant que je picore de gauche et de droite, mon voisin de table me raconte l’histoire des lieux. Il m’explique que l’arménien en est la langue presque officielle. Que des milliers d’Arméniens y ont afflué dans les années 1915-16. Que certains ont décidé de rester sur place. Que d’autres ont poursuivi leur périple jusqu’à Beyrouth, où ils créeront Bourj Hammoud, sur des marais, en marge de la capitale. Ce quartier est aujourd’hui une véritable fourmilière d’activités et d’artisanat en tous genres, dont le travail de l’or et du cuir. Sans oublier quelques délicieuses spécialités culinaires, comme le soujouk ou le basterma, mais c’est là une autre histoire. Pour l’heure, c’est la « grande » qui retient mon attention. Devant moi, mon narrateur du jour a ouvert un incroyable pan d’histoire orientale mouvementée, en pleine mutation, que l’on a trop tendance à oublier. Sous prétexte que les anciens ne sont plus là pour la raconter ou peut-être qu’il est plus facile de l’effleurer du doigt, sur un écran tactile et froid, déclaré le plus intelligent et perfectionné du monde. Pourtant, ce morceau d’histoire est fondateur. Il fait le Proche-Orient. Il est le Liban.
Vue panoramique (copyright - Z. Haddad).
En sirotant ma limonade fraîche, j’imagine ces hommes et ces femmes sur les routes, sur le front de mer, n’ayant de cesse de construire notre présent et notre futur. Les récits que je dessine dans mon imagination m’emmènent ensuite un peu plus loin dans le temps. Au huitième siècle. Rien que ça ! Oui, Anjar, c’est aussi d’étonnantes ruines omeyyades, qui semblent détonner au milieu d’un patrimoine architectural essentiellement gréco-romain. C’est ainsi que nous déambulons au milieu des derniers vestiges d’une ville modelée rectangulairement à la romaine. La tête dans nos nuages, nous voguons à la rencontre des califes qui présidaient à la destinée d’un immense territoire. Nous traversons les arcs majestueux du grand et du petit palais, les eaux relaxantes des thermes, ainsi que les échoppes bruyantes et bariolées. Rattrapés par la chaleur, nous nous abritons à l’ombre d’un bougainvillier ou d’une arche multi-centenaire et posons pour la postérité, devant les murs en brique de la vieille cité. Dans cette relative fraîcheur, j’apprends encore que Anjar et ses monuments ne sont ressortis qu’au milieu du vingtième siècle de cette terre qui semble encore promettre beaucoup de belles histoires à révéler.
En attendant que d’autres fouilles s’y attachent, nous concluons cette balade d’œufs au plat avec une glace à l’eau de rose...
Architecture presque inattendue au milieu d'un
patrimoine essentiellement gréco-romain
(copyright - Z. Haddad).

2 commentaires:

souha a dit…

Très intéressant! Anjar est aussi un lieu que jaurai aimé decouvrir! Jamais j aurai pensé qu il y a vait une influence arménienne! en lisant l heritage greco-romain, j'ai tout à coup pensé à la mythologie et aux noms des dieux qui ont subsisté et que certaines personnes jusqu'à aujroudhui portent comme prénom: Tammuz (oui remonte a la periode phenicienne, comme Adonis, le dieu de Byblos! eh oui! et tant d'autres qui levent tout un pan de l histoire du Liban et de la region plus largement trop peu souvent mis en evidence...As tu jamais pensé faire un lexique ou une recherche thymologique des noms de certains villages, des noms des monasteres, etc? si jamais, je suis volontaire pour une collaboration avec toi! J'adore le vieux monsiuer qui te raconte tout, les vieux sont tjs les personnes les plus interessantes! et jadore la conclusion aux oeufs aux plats frits!!mmmmmmmmm j adoooore,par contre la glace a la rose qui vient apres me laisse une sensation peu heureuse dans la bouche! comment l'as tu vécu`?

Zahi a dit…

Merci Souha! Je suis vraiment content de savoir que ce blog t'inspire: j'imagine que, si l'on sait qui on est, on doit pouvoir savoir où l'on va :o) Quant à la recherche étymologique, elle devrait être passionnante à mener, je ne peux que t'encourager! Et l'eau de rose glacée! Mmmmm, autant que la meskeh ou le sahlab :o)