vendredi 25 novembre 2011

Episode 38 : Bilan du Liban (suite)

Coucher de soleil près de Raouché, avant le retour en Helvétie (copyright - Z. Haddad).
Essai… cherche éditeur !
Et puis, le projet qui me tenait particulièrement à cœur était la rédaction d’un essai personnel. Genre, faire sortir le « monstre » du système, comme l’a résumé une personne à qui je tentais d’expliquer, un peu emprunté, le pourquoi du comment ! Pendant plusieurs semaines, j’ai ainsi joué, comme j’aime parfois le faire, le « sauvage social », en me cloîtrant dans mon appartement. Bonne nouvelle pour les ouvriers qui passaient, encore et toujours, de façon répétitive, à l’improviste ou avec une semaine de retard, pour récompenser mon impatience à avoir une porte d’entrée, de l’eau courante ou, plus simplement, des murs correctement peints. Revers de la médaille, ma concentration en prenait un coup, mais j’en profitais, tout de même, pour jouer l’inspecteur des travaux finis.
Résultat de cette intense et farouche activité : quelque deux cents pages racontent un pays, une tradition, une culture. Et au milieu de tout cela, une famille libanaise, comme beaucoup d’autres. Des lignes qui m’ont permis de comprendre d’où je viens, de m’identifier à une histoire et à une mentalité et de les accepter, comme j’oublie parfois de le faire. De me comprendre moi-même, aussi. Moi, mes rêves et mes démons, mes faiblesses et mes forces. Tout un programme, dont j’aurais beaucoup de plaisir à parler à un éditeur : à bon entendeur et mille mercis d’avance !
Vive l’égo !
Fort de ces nouvelles bases, j’envisage maintenant plus clairement les directions vers lesquelles je peux me diriger et comment je peux y aller. C’est le vaste champ de tous les possibles, bardés de valeurs qui me sont propres et d’une sérénité naissante. Pas de fâcheux à gérer ou à laisser barrer ni ma route ni mon bateau. Cette destination est celle qui me dit que moi et mes envies valons la peine d’y consacrer du temps et de l’énergie. Pas très loin de celui qui donne tout, je veux être l’altruiste égoïste ! Penser à moi pour mieux penser aux autres. Quel paradoxe ! Mais quelle avancée !
Clic clac !
Au-delà du texte, j’ai aussi eu beaucoup de plaisir à retrouver l’image et à m’en amuser. J’ai ressorti mon appareil photo ainsi que quelques lentilles de leur placard et ai vadrouillé aux quatre coins du Liban.
Ma première envie était de capturer les visages et les vies qui m’ont, à chaque fois, accueilli. Les immortaliser. Ces traits patinés par les embruns, travaillés par le soleil, illuminés d’une simple joie de vivre. Rendus curieux de l’intérêt que je leur portais ou tout simplement de la rencontre. Mais, j’ai préféré en profiter jusqu’au bout, jusqu’à les quitter, ne plus les voir, si ce n’est en fermant les yeux et en laissant voguer mes souvenirs.
Ainsi, je n’oublierai jamais les trois « anciens » de Anfeh, sirotant leur café assis dans la brise hivernale du bord de mer, Hanna de Douma, encore chaviré de la visite de Nadine Labaki et de son équipe de tournage, ou encore la belle émotion de Sabine Kanaan exposant, avec simplicité et amour, les toiles de son père disparu. Je me régale encore de l’extraordinaire bonne humeur d’hommes comme Abou Ali et Maroun, philosophes inattendus d’une drôle d’époque, tellement difficile mais tellement relative dans leurs yeux. Dans le texte ou les images, je n’oublierai pas toutes ces personnes qui ont construit, avec moi, un congé étonnant. D’une certaine façon si rassérénant sur notre condition humaine, loin d’une certaine vanité rencontrée dans le monde professionnel.
Ô pudeur !
Peut-être par trop grande pudeur, je me suis finalement concentré sur les paysages libanais et quelques clins d’œil que je voulais rapporter avec moi. Comme partout sur la petite bleue, cette terre déchirée est belle. Sublime. Complexe, mais magnifique. Agaçante, mais enivrante. Du bord de mer azuré aux reliefs montagneux, du Nord au Sud, des couleurs saturées et sèches de la plaine de la Bekaa à celles plus chaudes et exaltantes du littoral.
Ces mosaïques du Liban, je les voulais. Je les ai rêvées si fort qu’elles sont maintenant ancrées en moi. J’arrive à les saisir, de plus en plus clairement. Je les ai intégrées, de la même façon que j’ai adopté Genève, au fil des ans. Elles me disent que la beauté est partout et qu’elle mérite d’être admirée, parfois dégrossie, admirée différemment. Et que nous avons, finalement, assez peu de temps pour en profiter et nous unir à elle.
Libanaise « matrimonie »
Et puis, l’union, c’est aussi le mariage (à suivre).
Embarquement vers de nouveaux horizons,
depuis la baie de Jounieh (copyright - Z. Haddad).